Définition de MORT, ORTE

DÉFINITIONS - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : mor, mor-t' ; au masculin, le t ne se lie pas, excepté dans la locution mor-t ou vif

DÉFINITIONS

1
Qui a cessé de vivre.
Après mon père mort, je n'ai point à choisir
de Pierre CORNEILLE dans Cid, IV, 2
De votre cheval mort je vous mis sur le mien
de Jean de ROTROU dans Bélis. V, 5
S'il [votre fils] est bien fort, l'éducation rustaude est fort bonne ; mais, s'il est délicat, j'ai ouï dire à Brayer et à Bourdelot qu'en voulant les faire robustes, on les fait morts
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 14 juill. 1677
Les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort [Turenne]
de Esprit FLÉCHIER dans Tur.
Dans Florence jadis vivait un médecin.... De tous ses amis morts un seul ami resté....
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. IV
Tout le peuple.... Du prince déjà mort demandait la santé
de Jean RACINE dans Brit. IV, 2
Les vivants, quand ils sont bien fâchés, disent : je voudrais être mort ; et moi, je dirais volontiers au contraire : je voudrais me porter bien
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. 18
Mort ou vif, c'est-à-dire soit mort, soit vivant.
Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IV, 19
Sémantique : Fig. et plaisamment. Mort ou vif, en quelque état que ce soit.
C'est un homme mort, se dit d'un homme qui est ou qui paraît être dans un grand danger.
Chair morte, chair frappée de mortification, qui a cessé de vivre, et qui se séparera du reste du corps.
Frapper sur quelqu'un comme sur bête morte, le frapper violemment.
À demi mort, à qui il ne reste que peu de vie.
Des voleurs le laissent à demi mort
de Blaise PASCAL dans Prov. II
Je la vois entre son mari mourant, son fils à demi mort, sa belle-fille frappée d'un mal incurable
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de Caylus, 28 mai 1717
Mort ivre, ivre au point d'avoir perdu tout sentiment. On dit aussi ivre mort.
Nature : Au plur. Morts ivres.
Cotte morte, voy. COTTE 1.
Sémantique : Terme de féodalité. Se faire mort d'un fief, délaisser à son plus proche héritier apparent un fief en avancement d'hoirie.
2
Il se dit aussi des végétaux ; avec raison, puisqu'en effet ils ont la vie. Un arbre mort.
Sémantique : Terme d'eaux et forêts. Bois mort, bois qui est abattu ou qui, étant debout, est sec et ne peut servir qu'à brûler.
Mort bois, les épines, les ronces et le bois blanc, qui ne peuvent servir à aucun ouvrage.
Feuille morte, feuille sèche qui tombe de l'arbre en automne.
Feuille-morte, voy. FEUILLE-MORTE.
Sémantique : Terme de peinture. Nature morte, voy. NATURE, n° 22.
3
Plus mort que.... se dit par exagération pour exprimer un vif sentiment de douleur, de terreur.
À cet objet d'horreur, l'oeil troublé, le teint blême, J'ai demeuré longtemps plus morte que lui-même
de Jean de ROTROU dans Antig. I, 2
Il [Démétrius] se montra à cette multitude, qui était plus morte que vive, et qui attendait dans un tremblement qui ne peut s'exprimer l'arrêt de sa condamnation
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 275, dans POUGENS
4
Qui a l'apparence de la mort.
Une morte pâleur s'empare de son front
de Pierre CORNEILLE dans Soph. V, 8
Avoir le teint mort, les yeux morts, les lèvres mortes, avoir le teint décoloré, les lèvres pâles, les yeux éteints.
Couleur morte, couleur sombre et sans éclat.
5
Qui est comme glacé par la mort.
Je n'osais me remuer, je ne tenais presque point de place, et j'avais le coeur mort
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, part. 1re.
Sémantique : Fig. Il a la gueule morte, voy. GUEULE.
Avoir la langue morte, se taire.
N'y pas aller de main morte, voy. MAIN, n° 1.
Main-morte, voy. MAINMORTE.
6
Mort se dit quelquefois pour damné, comme la mort se dit pour la damnation.
Justes, pécheurs ; mort, vivant ; vivant, mort ; élu, réprouvé
de Blaise PASCAL dans Pens. XXIV, 12, éd. HAVET.
7
Privé de chaleur, de mouvement, en parlant de parties du corps. Il est paralysé ; la partie inférieure du corps est morte.
Parlons un peu de votre santé : n'êtes-vous point effrayée de ces jambes froides et mortes ?
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 22 sept. 1680
8
Sémantique : Fig. Mort à, mort pour, qui n'existe plus pour certaines choses.
Je n'en ai point vu qui fût véritablement morte au monde
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 388
Sa vie, tout ecclésiastique, annonçait un pasteur entièrement mort aux choses du siècle
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Panég. St Sulp. 2
Je ne suis point à moi ; tous mes amis doivent me regarder comme morte pour eux
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 232, dans POUGENS
Mais croiras-tu qu'au sein de la souffrance, Mort au plaisir et mort à l'espérance....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Enfant prod. III, 5
Mort au plaisir, insensible à la gloire, Dans le désert je traîne un long ennui
de MILLEV. dans Chants élégiaques, l'Arabe.
Mort de, qui éprouve une vive impression de.
Toute morte de jalousie
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 5 janv. 1676
Je crois que vous ne savez pas que mon fils est allé en Candie.... j'en vois tous les périls, j'en suis morte
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 28 août 1668
J'arriverai à Chanteloup morte de fatigue
de Mme DU DEFFANT dans Lett. à Walpole, t. II, p. 165, dans POUGENS
Sémantique : Familièrement. Tomber mort, perdre soudainement l'entrain qu'on avait.
Comme nous étions le plus en train, nous avons vu apparaître monsieur le Premier avec son grand deuil : nous sommes tous tombés morts ; pour moi, c'était de honte que j'étais morte
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 3 juill. 1676
9
Fig. en parlant des choses, qui est sans force, sans activité, éteint, par comparaison avec la mort qui éteint la vie.
Qui fuit croit lâchement et n'a qu'une foi morte
de Pierre CORNEILLE dans Poly. II, 6
Mais, la reconnaissance morte, L'amour doit courir grand hasard
de Pierre CORNEILLE dans Agésil. I, 1
Ceux-là sont vraiment malheureux et n'ont que des espérances mortes, qui ont donné le nom de dieux aux ouvrages de la main des hommes
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Sagesse, XIII, 10
M. de Grignan m'est bien nécessaire ; car j'ai un coin de folie qui n'est pas encore bien mort
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 mai 1680
Vous avez grand'raison de ne pouvoir vous représenter Mme de Coulanges à l'agonie, et M. de Coulanges dans la douleur : je ne le croirais pas, si je ne l'avais vu ; une vivacité morte, une gaieté pleurante, ce sont des prodiges
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 21 oct. 1676
Les sociétés d'où on les ôte [les vérités fondamentales du christianisme] sont des sociétés mortes qui ne peuvent donner à Dieu des enfants
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. XV, § 79
Messieurs, l'éloquence est morte, toutes ses couleurs s'effacent
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Disc. Acad.
Le parti de M. de Cambrai est mort
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. quiét. 443
Ce discours d'un guerrier que la colère enflamme Ressuscite l'honneur déjà mort en leur âme
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. IV
Sans tous ces ornements le vers tombe en langueur, La poésie est morte, ou rampe sans vigueur
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Les devoirs ne sont plus que des pratiques mortes et inanimées
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Tiéd. 2
Une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. V, p. 14
Oeuvres mortes, voy. OEUVRE, n° 12.
10
Langue morte, voy. LANGUE, n° 6.
Mon père regarde comme mal employé le temps que je donne aux langues mortes
de Paul Louis COURIER dans Lett. I, 17
11
Balle morte, balle qui a perdu la plus grande partie de l'impulsion qu'elle avait reçue.
Aux premières décharges de la mousqueterie ennemie, le roi [Charles XII] reçut une balle à la gorge ; mais c'était une balle morte qui s'arrêta dans les plis de sa cravate noire et qui ne lui fit aucun mal
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charles XII, 2
12
Eau morte, eau qui ne coule point, stagnante.
Bras mort, dans une rivière, partie de rivière interceptée et où l'eau n'est plus courante. Dans certaines provinces, ces bras morts sont dit les morts.
Mer Morte, nom d'un grand lac salé dans la Palestine.
Morte eau, les petites marées au temps du premier et du dernier quartier de lune.
À Audierne, la hauteur d'eau est de 4m, 80 en vive eau, et 3m, 30 en morte eau
de GRANGEZ dans Voies navig. de France, p. 264
Le temps des plus petites marées. Nous sommes en morte eau.
Morte eau se dit aussi du plus bas de l'eau, en parlant de la marée.
13
Sémantique : Fig. Où il n'y a pas d'action, sans action.
Pardonnez-moi, il y a des temps dans la vie où l'on ne peut rien faire, des temps morts, et je me trouve dans cette situation
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 26 sept. 1773
Argent mort, argent qui ne porte ni intérêt ni profit.
Papier mort, se dit par opposition à papier timbré. Aujourd'hui on dit plutôt papier libre, papier non timbré.
Lettre morte, écrit sans autorité. Cette loi n'est plus qu'une lettre morte.
Pays mort, pays où il n'y a ni commerce, ni industrie.
J'ai animé un pays entièrement mort, j'ai fait naître le travail et l'opulence dans le séjour de la misère
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 11 oct. 1771
Saison morte, ou morte saison, voy SAISON.
Chardon mort, chardon bonnetier dont les pointes sont émoussées par le travail.
Sémantique : Terme de fortification. Angle mort, se dit de l'angle que fait un flanc inutile pour la défense.
14
Ancien terme de physique. Force morte, force aussitôt détruite qu'engendrée.
Vous appelez cela une force morte ; or ces mots de force morte ne sont-ils pas un peu contradictoires ? ne vaudrait-il pas autant dire mort vivant, oui et non ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Force physique.
Chaleur morte.
Pour reconnaître ce que cette chaleur morte, c'est-à-dire cette chaleur dénuée de tout aliment, pouvait produire....
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. Introd. part. exp. Oeuv. t. VII, p. 120
15
Sémantique : Terme de chimie. Tête morte, voy. TÊTE.
16
Sémantique : Terme de marine. Tour mort, tour simple d'un cordage quelconque sur un appui.
À morte charge, jusqu'aux écoutilles. Un bâtiment est à morte charge, quand on l'a chargé autant qu'il est possible.
Eaux mortes, celles qui enveloppent et qui semblent accompagner la partie supérieure de l'arrière de la carène, lorsque le navire est en marche.

ÉTYMOLOGIE

1
Lat. mortuus, irrégulièrement formé de mori (la forme régulière serait mortus) ; mortuus est une formation de mori avec le suffixe tuus, tua, comme dans mutuus, statua, etc.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Corps mort, voy. CORPS, n° 20.
2
Sémantique : Terme de mécanique. Point mort, poids mort, voy. POINT et POIDS au Supplément.
3
Sémantique : Terme d'exploitation de la houille et des mines. Mort terrain, voy. MORT-TERRAIN au Supplément.
4
Perles mortes, perles qu'on pêche dans les parages de l'Écosse, et qui ressemblent à des yeux de poisson
de CH. BLANC dans l'Art dans la parure, p. 319
5
Sémantique : En termes de fortification, l'angle mort est la partie du fossé d'un ouvrage de fortification qui, située au-dessous du plan de la plongée, n'est battue ni par des feux directs, ni par des feux de flanc.

Termes proches de MORT, ORTE